UNE VILLE, UNE HISTOIRE - Waâdat de Tlemcen, au coeur des fantasias.

 


 Chaque année à la fin de l'été, lorsque les récoltes sont achevées, la région de Tlemcen s'anime au son des sabots et des détonations de poudre noire. C'est la saison des Waâdat (pluriel de Waâda), des fêtes équestre spectaculaires plus connues sous le nom de Fantasia. Bien plus qu'un simple festival la waâda est un évènement social et spirituel profondément ancré dans le patrimoine immatériel algérien, un moment où le temps semble suspendu pour célébrer la terre, la communauté et les ancêtres. Les fantasias sont organisées en grands nombres dans la Wilaya de Tlemcen, elles durent 2 jours et parfois plus, principalement au mois d’août.

A l'origine, la waâda est une promesse. Elle symbolise le pacte d'une communauté envers son saint patron local, le Wali Salih, dont  l'anniversaire est célébré à cette occasion. D'Ouled Nhar qui honore Sidi Yahia à Sebdou qui se rassemble pour Sidi Taha, chaque localité perpétue ce rituel pour solliciter la baraka, la bénédiction divine, en remerciement des moissons passées et en prévision d'une année prospère. C'est un puissant vecteur de cohésion sociale,où les familles se retrouvent, partagent un grand festin collectif et règlent les différends, renforçant ainsi les liens qui unissent.

 

 Le point d'orgue de la waâda est sans conteste la Fantasia. Des troupes de cavaliers, les aalfa, vêtus de leurs djellabas ou barnous traditionnels algérien, coiffés de chéchia ou Mdal et chaussés de bottes en cuir (khoff), s'élancent dans une course effrénée. Montant de fiers chevaux barbes, ils galopent épaule contre épaule sur plusieurs centaines de mètres. Les spectacle atteint son apogée lorsque, dans un geste d'une précision absolue, tous les cavaliers lèvent leurs fusils et tirent en l'air simultanément. Cette détonation unique, le baroud, n'est pas qu'une explosion de joie, c'est la preuve ultime de la maîtrise, de la discipline et de l'unité de la troupe.

 

 Autour de la course, la fête bat son plein. Des musiciens improvisent des spectacles qui durent des heures et parfois jusqu'à tard dans la nuit, l'air vibre au son envoûtant de la gasba (flûte en roseau) et des rythmes percutants du bendir et du gallal. Des cercles se forment pour les danses traditionnelles algérienne, notamment l'énergique Allaoui, le Saf ou le Dara dont les pas martelés au sol évoquent la puissance d'une charge de cavalerie. Un peu plus loin, un marché éphémère s'installe, le Souk. Des artisans y proposent poteries, textiles et bijoux, tandis que les parfums d'herbes médicinales se mêlent aux odeurs sucrées des confiseries. Pour les habitants comme pour les visiteurs, la waâda de Tlemcen est une immersion totale dans un héritage vivant, un moment de partage et de fierté qui se transmet de génération en génération. 

 Les waâdat ne sont pas que des réjouissances, elles favorisent réconciliation et solidarité. Elles rassemblent les communautés autour d'un repas commun, couscous et thé traditionnel algérien, et renforcent  le sentiment d'appartenance. Par leurs dimensions culturelle, sociale et spirituelle, elles incarnent  la richesse du patrimoine tlemcénien.

 Voir aussi :

Enregistrer un commentaire

0 Commentaires