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Chedda de Tlemcen |
La splendeur de l'artisanat algérien s'exprime avec éclat à travers les bijoux traditionnels, témoins vivants d'un héritage millénaire. A la croisée des influences berbères, andalouses, ottomanes, africaines et judéo-algériens, ces parures racontent l'histoire d'un pays aux identités multiples.Tandis que l'or embellissait les femmes des grandes cités comme Alger, Constantine ou Tlemcen, l'argent finement ciselé dominait dans les régions rurales, dessinant une véritable mosaïque de styles. A Tlemcen, cette richesse trouve son apogée dans la Chedda de Tlemcen, tenue nuptiale inscrite en 2012 au patrimoine immatériel de l'humanité par l'Unesco.Plus qu'un costume, la Chedda de Tlemcen incarne un univers de savoir-faire où le bijou occupe une place centrale. Dans cette ancienne capitale de la dynastie Zianide, carrefour de cultures et de commerce, chaque ornement devient une pièce d'histoire, reflétant l'opulence de la ville et la virtuosité de ses artisans.
Les bijoux emblématiques de la Chedda de Tlemcen.
- Jbayen et Zerrouf, ou khit el rouh : Les diadèmes frontaux. Le visage de la mariée est encadré par des bijoux d'une finesse remarquable. Le Zerrouf ou khit el rouh, est un bandeau frontal délicat, souvent en or, qui souligne le regard. Il est complété par les Jbayen, de somptueux diadèmes qui se fixent sur la coiffe conique de la Chedda, ajoutant une touche de majesté à l'ensemble.
- Johar : la cascade de perles. Depuis des siècles, les femmes algériennes ornent leurs tenues de perles, notamment dans les grandes villes comme Alger, Constantine ou Tlemcen. Leur usage remonte à l'antiquité : l'un des plus anciens colliers de perles jamais découverts fut retrouvé en 1901 à Suse, en Iran, autour du cou d'une princesse achéménide datant du 4e siècle av J.-C. A Tlemcen, les perles, appelées Johar, occupent une place centrale dans la Chedda, la somptueuse tenue nuptiale. Portées en long colliers superposés qui tombent en cascade sur la poitrine, elles incarnent la pureté et l'opulence. Cette parure se décline également en bijoux discrets, tels que la Khorsa (boucles d'oreilles), le M'dibah (collier ras-le-cou) ou encore des bracelets assortis,faisant des perles un langage esthétique et symbolique profondément ancré dans la culture tlemcénienne.
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Johar de la Chedda de Tlemcen |
- Cravache Boulaya : Ce collier "ascenseur", reconnaissable à ses chaînes torsadées et ses pendentifs à une, deux, ou trois têtes, est une pièce maîtresse. Son nom, "boulahya" (père de la barbe), ferait référence à son origine au sein des communautés juives de Constantine où son style aurait été inspiré des traditions locales. C'est un symbole fort du métissage culturel algérien.
- Meskia et Skhab : Les pendentifs parfumés. La Meskia est un pendentif traditionnel algérien, souvent en forme de poire et serti d'or. Il se porte sur une chaîne classique torsadée ou une chaîne appelée graine de café, ou pour une touche plus authentique, avec un skhab, un collier composé de perles d'ambre ou d'une pâte parfumée à base de clou de girofle, musc et autres essences.
- La ceinture en or : symbole de fécondité. Au 18ème siècle, les femmes d'Alger portaient des ceintures en soie et en or. Les ceintures qu'elles soient en or ou en argent ce fabriquaient uniquement dans les grandes villes Algérienne. Alger et Constantine. Élément central des tenues Algérienne, la ceinture en or massif, composée de plaques ciselées en forme de rosaces et souvent ornées de Louis d'or, n'est pas qu'un simple accessoire. Historiquement fabriquée dans les grands centres urbains, elle symbolise la fertilité et le statut social.
- La khamsa, un symbole universel : Connue sous le nom de "Main de Fatma" dans la tradition musulmane ou "main de Myriam" dans la tradition juive, la Khamsa est un pendentif ancestral largement répandu en Afrique du Nord. Utilisé pour certains comme bijoux protecteur du mauvaise oeil. Khamsa qui signifie 5, faisant référence aux 5 doigts de la main, ou aux 5 livres de la torah ou aux 5 piliers de l'islam. Mais ce symbole existait avant l'apparition de ces 2 religions. Ce qu'il faut savoir, c'est que la khamsa ne doit pas être portée en croyant qu'elle offre une protection contre le mauvaise oeil ou autre mal, car cela reviendrait à la diviniser, et seul Allah subhannou offre protection aux croyants et c'est à lui seul que nous devons demander protection et aide, et non à une main ou tout autre symbole. La khamsa est parfois ornée d'un louis d'or en sont centre et est porté avec la chedda et d'autres tenues.
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Khamsa |
- Autres trésors, Khorkhal et Louis d'or : La parure est complétée par le Khorkhal, un élégant bracelet de cheville, ainsi que de collier en Louis d'or. Cette pièce de monnaie française est devenue un élément décoratif à part entière, sertie sur les boucles d'oreilles les bagues, les pendentifs, les ceintures, témoignant des échanges historiques avec l'Europe.
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Khorkhal |
La disposition de ces bijoux n'est pas laissée au hasard. Elle fait partie d'un rituel de l'habillage complexe et précis, mené par les femmes aînées de la famille. Le poids considérable de la parure (qui peut atteindre plusieurs kilos) oblige la mariée à adopter une posture digne et une démarche lente, ajoutant à la solennité de l'évènement.
Les bijoux de la Chedda tlemcénienne sont bien plus que de simples ornements. Ils sont le langage d'une culture, le fruit d'un artisanat d'exception et le symbole vivant d'une identité algérienne fière, qui continue de briller dans les mariages d'aujourd'hui comme elle le faisait il y a des siècles.
Chaque bijou de la tenue tlemcénienne est un fragment d'histoire, un symbole de culture et un chef d’œuvre d'artisanat transmis de génération en génération.
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