BATAILLE DE ZAATCHA - La résistance de Cheikh Bouziane. Partie-1

 


 La résistance héroïque de Zaatcha : un épisode tragique du colonialisme Français en Algérie.

 La résistance de Zaatcha, menée par le charismatique Cheikh Bouziane, représente l'un des épisodes les plus significatifs et les plus douloureux de la confrontation avec le colonialisme français en Algérie. L'affrontement, qui se transforma en un siège éprouvant, s'est déroulé du 16 juillet au 26 novembre 1849 au cœur de l'oasis de Zaatcha, située dans la région des Zibans Dahraoui, à environ 35 km de Biskra.


Plan de ZAATCHA

 Le ksar de Zaatcha se présentait comme une citadelle naturelle, un village fortifié, dissimulé au sein d'une dense palmeraie, dont les arbres constituaient la richesse vitale des habitants et masquaient même le minaret de la mosquée. En bordure de cette étendue élaborée, une Zaouïa rattachée au village, flanquée de quelques habitations, ajoutait à la complexité du site. Avant d'atteindre l'oasis, un labyrinthe de jardins étagés, délimités par des murets et sillonnés de canaux d'irrigation, mélangeait palmiers et arbres fruitiers, rendant toute observation militaire pratiquement inefficace. Après maints détours au travers de ces sentiers sinueux et de ces jardins enchevêtrés, l'avancée était entravée par d'impressionnant fossés, mesurant jusqu'à 7 mètres de large et plusieurs mètres de profondeur.

La prise du village de Zaatcha s'avérait redoutablement ardue, ce qui lui valut une réputation quasi-inviolable. Au cœur de ce village, de solides maisons de forme carré, dotées de petites ouvertures, abritaient une population réputée pour son esprit combatif, résolue à défendre sa terre jusqu'à l'ultime sacrifice. Au sud de Zaatcha, nichés au sein d'une forêt, les villages de Lichana et de Farfar constituaient des points d'appui essentiels, fournissant des renforts réguliers. Ils étaient soutenus par les oasis avoisinantes, telles que Tolga et Bouchagroun, ainsi que par l'ensemble de la région des Zibans.


Cheikh Bouziane, figure centrale de cette résistance, s'était établi à Zaatcha avec son épouse, sa fille et ses deux fils. Il jouissait d'une grande fortune et d'une influence considérable. Ancien Cheikh de Zaatcha, il avait opéré sous l'autorité des khalifas de l'Emir Abdelkader. Son courage et son intelligence s'étaient déjà manifestés en 1833, lors de la défense héroïque de la ville du Bey Ahmed. Ses multiples connexions dans les Zibans et d'autres zones du Sahara le rendaient particulièrement redoutable aux yeux de l'occupant français, qui le considérait comme une menace sérieuse en raison de son réseau étendu et de son leadership.

Exaspéré par une augmentation significative des impôts sur les palmeraies et par l'ingérence étrangère sur leurs terres, Cheikh Bouziane rallia la population à sa cause, déclenchant ainsi un soulèvement. L'administration française de Biskra, alertée de cette insurrection, dépêcha Joseph Adrien Seroka le18 mai 1849 pour tenter d'apaiser la situation. Cependant, face à la gravité de la révolte, Seroka comprit l'ampleur du danger et sollicita immédiatement des renforts. 

Joseph Adrien SEROKA,
officier adjoint au bureau arabes.

Jean-Luc CARBUCCIA,
commandant de la subdivision de Batna

L'officier Seroka, dans une tentative d’étouffer l'insurrection naissante, résolut de capturer Cheikh Bouziane. Accompagné de quelques hommes ,il pénétra dans Zaatcha et tenta d'appréhender le chef rebelle. Cependant, la population s'interposa et réussi tà arracher Cheikh Bouziane des mains de Seroka, transformant l'opération en une violente émeute. L’officier et ses hommes parvinrent à s'échapper de Zaatcha de justesse. Alerté par ces événements, le Colonel Carbuccia se mit en route vers l'oasis.

Le 17 juillet 1849, le Colonel Carbuccia parvint à Zaatcha, à la tête du 1er bataillon de la Légion Etrangère et du 3e bataillon d'infanterie légère d'Afrique (3e BILA), soit environ 900 hommes. Ils firent face à quelque 600 guerriers locaux, prêts à les affronter. Ignorant les directives du Général Emile Herbillon, Carbuccia engagea imprudemment le combat. Mais, déconcertés par la structure défensive du village et l'organisation sans faille des troupes de Cheikh Bouziane, les forces francaises furent contraintes à un replis précipité. Ce premier échec fut marqué par de lourdes pertes et eut un impact démoralisant considérable sur les soldats.

Général Emile HERBILLON

Fort de cette victoire, Cheikh Bouziane adressa de nombreux messages aux populations des Aurès et des Zibans, les exhortant à intensifier leur résistance et à prendre les armes. Cette initiative déclencha un vaste soulèvement généralisé dans l'ensemble du Sud de la province de Constantine.

Le général Herbillon prit personnellement la direction des opérations. Un important convoi de chameaux, transportant outils,munitions,pièces d'artillerie et sacs de terre, fut acheminé pour le siège de Zaatcha. Près de 4000 hommes supplémentaires, venus de Batna et Biskra, rejoignirent l'expédition. La chute de Zaatcha était jugée impérative pour étouffer cette insurrection, qui s'était déjà étendue aux provinces d'Alger et d'Oran.

Les combattants algériens étaient sous le commandement de Cheikh Bouziane, assisté par son lieutenant, Si Moussa Ben Lhassane El Madani El Darkaoui. Anticipant un siège prolongé,ils avaient accumulé des provisions substantielles pour soutenir leur résistance. 

Si Moussa Ben Lhassane El Madani El Darkaoui.

 Le général Herbillon et 4000 hommes atteignirent les abords de Zaatcha et établirent leur campement au nord de l'oasis, en dehors de la portée des tirs ennemis. Ce dispositif fut placé sous la supervision du colonel Borel de Bretizel, chef d'état-major du général Herbillon.

Le colonel Carbuccia dépêcha une petite unité pour investir la zaouïa, les habitations attenantes et la fontaine, vitale pour l'approvisionnement du camp. La résistance fut brève, et les soldats prirent position dans ce premier hameau. Carbuccia hissa le drapeau français sur le minaret de la zaouïa, où des canons furent aussitôt installés. Sous le commandement du Capitaine Adjudant-Major Louis Duplessis, les soldats poursuivirent les défenseurs dans les jardins. Mais des guerriers embusqués et des renforts venant de l'oasis attendaient les français, les forçant à un replis difficile. Il est à noter que, durant ces affrontements, les femmes de Zaatcha combattaient aux côtés des résistants.

Commandant BOUBARKI

Louis DUPLESSIS,
capitaine adjudant major.
 

Le soir même, des officiers des armes spéciales, sous la protection de deux bataillons d'Afrique, menèrent une mission de reconnaissance de la zaouïa, mais furent surpris par le tirs des résistants. Presque tous les officiers furent touchés. Une nouvelle reconnaissance s'avérait indispensable pour évaluer l'efficacité de la batterie de brèche mise en place pendant la nuit. Cette tâche fut confiée au commandant Bourbaki.

Le 9 octobre 1849, le Colonel Petit, responsable de la direction des travaux de siège, fut mortellement blessé. Cet événement ralentit considérablement la progression des fortifications, rendant leur construction d'autant plus périlleuse sous les tirs incessants des guerriers, qui infligèrent des pertes significatives aux force d'occupation. Le12 octobre1849, le Colonel de Barral arriva de Sétif, apportant avec lui un renfort crucial de 1500 hommes. Dès le 13 octobre 1849, de nouvelles batteries de brèche furent mises en place.Le 16 octobre1849, les troupes française parvinrent enfin au fossé, mais leurs réserves de munitions commençaient à s'épuiser dangereusement.

Le 20 octobre 1849, le premier assaut d'envergure fut lancé contre Zaatcha. Deux colonnes d'attaque, sous le commandement du commandant Bourbaki, furent déployées : l'une sur la brèche de gauche, l'autre sur celle de droite. Sur le flanc gauche, les légionnaires atteignirent la terrasse d'une habitation, mais celle-ci, piégé, s'effondra, ensevelissant les soldats. Profitant  du brouillard de poussière soulevé par les décombres, les défenseurs tirèrent sur l'ennemi, forçant les survivants français à une retraite désordonnée. Sur le flanc droit, les troupes de Cheikh Bouziane infligèrent une défaite écrasante au français, qui durent se replier dans la douleur. Les forces d'occupation subirent des pertes extrêmement lourdes lors de cet assaut, ce qui affecta gravement leur morale et leur condition physique. Les cris de victoire des hommes et des femmes de la résistance retentir au loin, marquant un triomphe éclatant pour les valeureux combattants algériens.

En dépit de ce revers cinglant, les forces françaises maintinrent leurs positions. Galvanisés par leur victoire, les combattants de Zaatcha menèrent une offensive nocturne sur les jardins déjà occupés. Cet affrontement, qui dura près de deux heures, ne permit toutefois pas aux défenseurs de déloger l'ennemi. 

Colonel de Barral

Colonel Canrobert

Philippe Rostan de Golberg

Le 25 octobre 1849, en représailles de cette résistance acharnée, le général Herbillon ordonna au Capitaine Philippe Rostan de Golberg de faire abattre les palmiers. Dix milles arbres furent détruits, anéantissant ainsi la principale richesse de l'oasis. L'anéantissement de ces arbres, qui offraient un abri vital contre le climat désertique, aggrava considérablement les conditions des troupes françaises. Le vente du désert soulevait un sable fin qui se mêlait à leur nourriture, le rendant immangeable et incommodant les soldats. Épuisées et affamées, les troupes françaises atteignirent un point de moral très bas.

Le 8 novembre 1849, le colonel Canrobert parvint à Zaatcha avec des renforts, incluant 1200 zouaves et des provisions. Cependant, sa colonne avait été interceptée à Bousaâda, dans la wilaya de M'sila, par plusieurs milliers de combattants algériens. Arrivés a Zaatcha le soir même, ils apportèrent avec eux le choléra, malgré l'accueil initialement joyeux. L'épidémie se propagea avec une rapidité dévastatrice dans l'oasis, causant des ravages considérables, notamment à Biskra, et décimant une grande partie de l'armée française.

Au cours de la nuit du 10 au 11 novembre, des affrontements éclatèrent près de Farfar, impliquant les forces françaises. Un groupe de résistants,surgissant de la plaine,ouvrit le feu sur les soldats, causant plusieurs pertes. Le 12 novembre 1849, la cavalerie française fut prise pour cible par un groupe de résistants alors qu'elle faisait paître ses chevaux. Des tirs d'obus français repoussèrent les guerriers, mais une fois les chevaux nourris, les soldats se ruèrent sur les combattants restés en arrière. Le commandant Bourbaki regroupa son bataillon et ordonna la retraite. Cependant, au passage de l'oued Bouchagroun, les résistants attendaient. Un combat féroce s'ensuivit, faisant de nombreux morts et blessés des deux côtés, avant que les résistants ne se replient vers l'oasis.

Le soir même, le camp français vit l'arrivée du Commandant de Génie Librettevillois et de colonel Shoennagel, qui apportèrent avec eux des renforts supplémentaires et des munitions. L'effectif total du camp français s'élevait désormais à 7000 hommes.  

Le 16 novembre, le général Herbillon et deux colonnes militaires convergèrent vers l'Oued Djeddi, à proximité de l'oasis d'ourled, où des nomades avaient établi leurs campements. Sous les ordres de Canrobert et de Barral, la cavalerie du colonel Mireck chargea au milieu des populations nomades. Les forces françaises s'emparèrent des tentes, de milliers de chèvres et de moutons, et de plus de 2000 chameaux, assurant ainsi leur approvisionnement en nourriture. Cette opération se solda par la mort d'environ 200 nomades.

Profitant de l’absence de l'armée française, les résistants attaquèrent par surprise les troupes chargées de la garde des tranchées dans les jardins de gauche. Les résistants s'emparèrent de fusils, de munitions, d'outils de génie et d’habille de travailleur. 40 résistants seront tués et l'un des fils de Cheikh Bouziane fut grièvement blessé à l'épaule.

Le 17 novembre 1849, un convoi de blessés, escorté par le capitaine Henri Jules Bataille  et le capitaine Joseph Souville en direction de Batna, fut intercepté et attaqué par des combattants algériens. Parallèlement, à Zaatcha, les forces françaises prirent possession des deux jardins précédemment abandonnés. Les tribus nomades, récemment frappées par l'assaut français, furent contraintes de se soumettre et de livrer des otages pour récupérer leurs chameaux.

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