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L'assaut final et la chute de Zaatcha.
Le choléra est toujours présent, et tue chaque jours 30 à 40 soldats, malheureusement à l'intérieur du ksar de Zaatcha , les résistants connaissent le même sort.
Le 24 novembre 1849, tirant parti du moment critique de la relève des sentinelles et de la désorganisation qui en résultait parmi les soldats, les résistants déclenchèrent une attaque surprise contre les tranchées. Les femmes de Zaatcha se jetèrent dans les affrontements avec une ferveur inouïe, engageant un terrible corps à corps. Les défenseurs réussirent à s'emparer d'un large stock de carabines, d'outils de génie et d'autre équipements militaires. Bien que des renforts soient envoyés par Bourbaki, les combattants de Zaatcha maintinrent fermement leurs positions. L'arrivée de ces renforts permit de reprendre les tranchées aux guerriers algériens, qui se replièrent, certains vers l'intérieur de la ville, d'autres en direction de Lichana. Bourbaki reçut alors l'ordre de battre en retraite, sous la fausse impression que les défenseurs avaient abandonné le combat. Alors que les forces française entamaient leur repli, de nouveaux groupes de guerriers surgirent, provoquant un affrontement acharné dans les jardins de Zaatcha. Ce combat entraîna de lourdes pertes, avec un nombre significatif de morts et de blessés des deux côtés.
Le général Herbillon avait initialement planifié l'assaut final pour le 25 mars mais la date fut reportée au 26 novembre. Les trois brèches nécessaires à l'offensive étaient enfin opérationnelles. Pour l'attaque, trois colonnes d'assaut furent constituées, chacune forte de 300 hommes, et placées sous des commandements distincts : la première sous celui de Canrobert, la deuxième sous Barral, et la troisième sous Lourmel. Le commandant Bourbaki, à la tête de ses tirailleurs, avait pour mission d'investir une section de la ville. Fidèles à leur détermination, les défenseurs de Zaatcha rejetèrent fermement les propositions de reddition du général Herbillon.
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Colonel de Barral |
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Général Emile HERBILLON |
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Colonel Canrobert |
Le 26 novembre 1849, à sept heures du matin, l'assaut général fut déclenché simultanément. Le combat s'annonça d'une brutalité inouïe, sanglant et impitoyable. Vers 9 heures, les troupes françaises avaient pris possession des rues, des places et des terrasses. Les soldats français ne firent preuve d'aucune clémence, perpétrant un massacre effroyable.Ils firent également exploser les habitations qui s'effondrèrent sur les combattants et les civils qui y cherchaient refuge.
Les soldats français entreprirent une fouille méthodique, maison par maison, à la recherche de Cheikh Bouziane. Celui-ci s'était retranché dans l'ancienne demeure fortifiée de son successeur, Cheikh Ali Ben Azoug. Deux prisonniers furent interrogés : le premier, refusant de livrer des informations, fut massacré par les zouaves, le second, témoin de l'horreur, révéla la cachette. Les zouaves lancèrent l'assaut sur la maison, nécessitant l'emploi de trois mines pour abattre une section du mur. Finalement, Cheikh Bouziane émergea de la bâtisse, blessé à la jambe et soutenu par ses compagnons. Le commandant Lavarande s'interposa pour prévenir les tirs des zouaves. Il interrogea Cheikh Bouziane sur l'emplacement de sa famille, que le Cheikh indiqua. Tragiquement, la mère, l'épouse et la fille du Cheikh furent massacrées par les zouaves, comme tant d'autres femmes de Zaatcha. Le commandant Lavarande informa le colonel Herbillon de la capture du Cheikh,qui répondit par un ordre sans équivoque : "Faite le tuez". Le commandant Lavarande demanda demande alors au Cheikh ses dernières paroles avant d'ordonner aux zouaves de le viser au cœur.Cheikh Bouziane, avec dignité, prononça : "Vous avez été les plus fort, dieu seul est grand, que sa volonté soit faites". Le commandant aida le Cheikh à se relever et le plaça contre un mur, puis donna l'ordre fatidique.
La ville de Zaatcha était tombée. Tous les défenseurs furent tués, y compris Hassan Bouziane, le fils du Cheikh, et Hadj si Moussa El Darkaoui. Malgré la disparition de leurs leaders, la résistance se poursuit par intermittence. Les maisons furent systématiquement minées les unes après les autres, ensevelissant de nombreux combattants sous les décombres des explosions. Le minaret de la mosquée de Zaatcha fut également dynamité. Au final, la ville fut entièrement détruite, ses habitants massacrés, les tribus nomades dépouillées, et les milliers de palmiers abattus, marquant une victoire totale mais dévastatrice pour les forces françaises.
Le colonel Canrobert déclara : "A mon réveil, je retrouve devant ma tente, fixé à la baillonnette d'un fusil, la tête de Bouziane, à la baguette pend celle de son fils, à la deuxième capucine est celle de l'un des autres chefs insurgés. Avant de les exposer au camp aux yeux des arabes, qui pourront constater que leur shérif et ses califes sont mort, les zouaves avec ont voulu me faire l'hommage ce sanglant trophée. Je suis écœuré, je me fâche à la vue de ces dépouilles dignes des barbares : (que voulez-vous, m'objectent les zouaves, ils se défendaient, il fallait bien les tuer si nous voulions pas qu'ils nous tuent). Je suis obligé de me résigner à cette usage indispensable pour frapper l'esprit des populations toujours disposées à se soulever".
Conformément à cette politique de terreur, les têtes de Cheikh Bouziane, de son fils Hassan et de Si Moussa El Darkaoui furent plantées comme des trophées macabres au centre du camp militaire. Ces trois tête furent ensuite exposées publiquement sur la place du marché de Biskra. En signe de répression, Canrobert ordonna également l'incendie de la ville de Narah, qui continuait de résister, et fit massacrer ses habitants. Le choléra, qui sévissait acheva la destruction entamée par les forces françaises.
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Concernant le sort de ces têtes, devenues des symboles de la lutte, elles auraient été récupérées par le Général François-Edouard de Neveu, qui les aurait confiées au médecin-chef militaire Auguste Edmond Vital, à Constantine. Elles passèrent ensuite entre les mains de Victor Constant Reboud, botaniste et médecin, qui les fit acheminer au Muséum national d'histoire naturel de Paris, vers 1875. Là, elles demeurèrent entreposées, loin des regards du public, pendant des décennies. En 2011, Ali Farid Belkadi, archéologue et historien algérien, identifia les crânes de ces martyrs et lança une campagne de mobilisation pour leur rapatriement en Algérie.
L'ensemble des défenseurs de Zaatcha, hommes et femmes confondus, furent exterminés, à l'exception d'une douzaine d'individus qui auraient été épargnés. Si environ 800 cadavres algériens purent être recensés, le bilan réel des victimes estimés est bien plus élevé, une proportion significative des corps ayant été ensevelie sous les décombres des maisons. L'oasis de Narah subit également un sort funeste, elle fut détruite et ses habitants massacrés le 5 janvier 180. L'oasis de Zaatcha demeura en ruine après le siège, bien que des efforts de replantation des palmiers aient été entrepris par la suite.
Cette oasis, jadis un havre de paix où des familles vivaient en toute sérénité, a été cruellement anéanti. Ce paradis a basculé dans l'horreur la plus totale, et la paix si précieuse a été déchirée par un bain de sang infligé par ceux qui se proclamaient civilisés. L’ignominie et leurs actes barbares sont allés jusqu'à la conservation de têtes humaines dans un musée, acte digne des pires Sérial Killers qui conservent des trophées de leur victimes.
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