ARTISANAT ALGERIEN - Le tapis du Djebel Amour, Laghouat.

Lalla Fatma N'Soumer.


Lalla Fatma N'Soumer, symbolise la toute première résistance à l'occupation coloniale de l'Algérie. Elle est décrite comme une prophétesse, les Français lui donneront le surnom de "la Jeanne d'Arc du Djurdjura". Elle est l'une des héroïnes majeures de la résistance Algérienne en Kabylie. Une femme mystique, les guerriers pensaient qu'elle leur apportaient la bénédiction divine, les Français eux même remarqueront cet aura qui l'entourait.

Lalla Fatma N'Soumer de son vrai nom "Fatma Sid Ahmed ou Méziane", est née en 1830 à Ouerdja en Kabylie et est morte en 1863 à Tablat dans la Wilaya de Médéa. Elle appartient à la ligné des Ahmed ou Méziane du village Ouerdja vers le col du Tirourda au coeur du  Djurdjura. Son surnom vient du village Soumer où elle vivra plus tard. Issue d'une famille puissante et respecté, elle a 4 frères ainés et son père était le chef d'une école coranique liée à la Zawya Rahmanyya, qui est une confrérie musulmane soufie fondée en 1774 par Sidi M'Hamed Ben Abderahmane dit Bou Qobrine.

Décrite comme étant une personne possédant une mémoire incroyable, elle mémorisera le coran très jeune, simplement en écoutant les disciples de son père qui récitaient les différents sourates. C'est une jeune femme pieuse, sage et d'une grande intelligence, ce qui lui permis d'acquérir une excellente réputation à travers la Kabylie.

De 1830 à 1872, la France lance une violente campagne de colonisation de l'Algérie. L'Algérie connaîtra une diminution incroyable de sa population, qui étaient d'environ 5 millions d'habitants avant l'arrivé des Français et qui ne comptait plus que 2.1 millions d'habitants en 1872, soit une perte de 58 % au cours des 42 premières années de colonisation Française. 

 Alexis-Henri-Charles CLEREL








D'ailleurs, de retour d'un voyage d'enquête en Algérie, le comte Alexis-Henri-Charles CLEREL, comte de Tocqueville, écrira "nous faisons la guerre de façon plus barbare que les Arabes eux-mêmes, c'est à présent de leurs côté que ce situe la civilisation".

Selon le politologue, Olivier Le Cour Grandmaison,  "la colonisation ce serait ainsi traduite par l'extermination du tiers de la population, dont les causes multiples sont, les massacres, déportations, famine ou encore épidémies".














La diminution de la population est telle, que dans une étude démographique de plus de 300 pages sur l'Algérie, le Docteur René Ricoux, chef des travaux démographique et médicale au bureau de statistique du gouvernement général d'Algérie, prévoit la disparition des Algériens.

La politique de la terre brûlé employé par le Gouverneur Général Thomas Robert Bugeaud, "Nous tirons peu de coups de fusil, nous brûlons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes, l'ennemi fuit partout en emmenant ses troupeaux".

Les déportations de tribus entières en Nouvelle Calédonie, en Guyane. Lalla Fatma N'Soumer grandit dans ce contexte et elle développera une profonde aversion pour les colonisateurs.

Très tôt, Lalla Fatma eût de nombreux prétendants, mais elle refusa de ce marier. Lorsque la pression familiale c'est intensifiée, elle simulera des crises d'hystérie afin de décourager ses aspirants. Prise pour folle, sa famille l'enfermera, la forçant à l'isolement plusieurs jours. Voyant sa santé décliner, elle sera remise en liberté mais elle en sortira métamorphosée.

Toujours sous la pression familiale, elle épousera son cousin maternel, Yahia Ath L'Koulaf. Elle refusera que son mari l'approche, et se rebellera de toute les manières possible. Après 1 mois de mariage, on la renvoya chez elle. Humilié par son refus obstiné, son mari refusera de divorcer, ce qui l'empêchera de se remarier. Mais Lalla Fatma n'était pas intéressée par le mariage, préférant probablement ce consacrer à la spiritualité et à sa foi. Vivant recluse dans sa chambre, elle prie nuit et jour, officie les cérémonies, s'occupe des pauvres.

A la mort de son père, elle rejoindra son frère Tahar à Soumer, où il dirige une école coranique, elle offrira des conseils spirituel, elle nourrira les pauvres, soignera les malades, soulagera l'angoisse de ses visiteurs. Elle sera réputée pour être une personne sage et bienveillante. Une réputation très recherchée par les femmes et les hommes de cette époque. C'est à ce moment qu'elle prendra le nom de Lalla Fatma N'Soumer. Elle s'imposera petit à petit dans un monde réservé jusque là aux hommes.

En 1847, lors de la première expédition du général Bugeaud en Kabylie, la famille de Lalla Fatma N'Soumer, rejoignirent la résistance. 

François Marcellin Certain de Canrobert
Cheikh Boumaza








En 1849, le village de Soumer sera incendié par le colonel Canrobert. Les habitants des villages voisins, forceront le colonel à reculer, en juillet 1849. C'est à la même année, que Lalla Fatma entre dans la résistance, en ce ralliant à Si Mohamed El hachemi, qui a participé à l'insurrection de Cheikh Boumaza (de son vrai nom Mohamed Ben Ouadah) connu sous le nom de Mohamed Ben Abdallah, dans le Dahra en 1847.

Chérif Boubaghla

En 1850, elle soutient le soulèvement de Mohamed El Hamjed Ben Abdelmalek dit Chérif Boubaghla, ancien lieutenant de l'Emir Abdelkader, venu de la région des Babors.

Après une assemblée des autorités politique du village de Soumer, Lalla Fatma et son frère Tahar, sont désignés afin de diriger les Imseblen (volontaires de la mort), un groupe spécial de guerriers venant des villages voisins dans la région du Djurdjura.

Charles Joseph Wolf
Jacques Louis Randon








Durant l'été 1854, le gouverneur général d'Algérie, le maréchal Randon, a lancé une campagne en Kabylie, mobilisant environ 8000 hommes, parmi lesquels plusieurs généraux hautement qualifiés, menés par Charles Joseph Wolf. L'organisation rigoureuse des Imseblen et leurs héroïsmes, dirigés par Lalla Fatma, leurs permettent de forcer les lignes des troupes Française, les obligeants à ce retirer. Chérif Boubaghla, lance sa cavalerie à leurs poursuite, ce qui causera de nombreuses pertes du côté des troupes Française, qui finiront par battre en retraite. C'est ainsi qu'en 1854, elle remporta sa première bataille face aux forces Française à Tazrout, cette bataille est connu sous le nom de "la bataille du haut Sebaou". Elle durera environ 2 mois, de juin à juillet 1854.

Charles Joseph Wolf est étonné, surpris, ses soldats entrainés et expérimentés, avec des armes modernes, viennent d'être vaincus et doivent battre en retraite, face à des guerriers Kabyle venus des montagnes. Et l'humiliation est d'autant plus grande, car la personne qui dirige ces guerriers est une femme, Lalla Fatma N'Soumer. Cette guerrière inquiète les français, elle a la capacité de convaincre les Kabyles à prendre les armes et à combattre l'ennemi venu envahir l'Algérie.

Le 24 décembre 1854, Chérif Boubaghla meurt au combat, et Lalla Fatma poursuivra la lutte, et remportera plusieurs autres combats.

Adolphe Ambroise Joseph Hubert Maissiat
Patrice de Mac Mahon








3 ans plus tard, en 1957, le maréchal Randon, retourne en Kabylie, mais cette fois-ci avec des renforts. 35 000 hommes seront envoyés en Kabylie, dirigé par le général Patrice de Mac Mahon et le général Maissiat. Les Français avaient désormais une meilleure connaissance de la géographie de la Kabylie, et avaient l'expériences des méthodes défensives utilisées par les Imseblen. L'armée Française va donc utilisées les leçon apprises lors des batailles précédentes comme stratégie pour ce nouveau combat.

A chaque fois que les Français vainquirent une tribus, celle-ci était obligée de ce rendre et de cesser tous combat avec l'ennemi. Les dernières tribus à résister, étaient encerclées par les troupes Française mais également par certains de leurs camarades, qui furent obligés de combattre auprès des Français. Les derniers résistants, qui ce trouvaient aux coeur des montagnes du Djurdjura tombaient successivement après de féroces batailles et, ils furent obligés de ce rendre face aux moyens déployés par les Français.

Mais il restait quelques choses à faire avant la défaite, sauver les femmes des tribus, et parmi elles se trouvait Lalla Fatma N'Soumer, les enfants et les objets précieux qu'elles possédaient, en les cachant dans un petit village situé dans un ravin de Tirourda et qui était invisible du haut des montagnes, le village Takhlijt N'Aït Atsou.

Joseph Vantini dit Yusuf

Tahar, le frère de Lalla Fatma, contact le général Français Yusuf, plaidant pour la capitulation de son village, à la condition de ne pas toucher au bien de sa famille. Evidemment les Français acceptèrent la proposition. Le frère de Lalla Fatma, mènera le général Yusuf et ses hommes dans les villages qui avaient été vidé de ses femmes, de ses enfants ainsi que des biens précieux. Il leurs fera traverser des sentiers qui laissait le village de Takhlijt hors de vue. Mais tous ne ce passe pas comme prévu. Certaines femmes avaient tardé à rejoindre le village, et des soldats les ont remarqué, ils les suivirent discrètement jusqu'à ce village. Les Français venaient de découvrir le village de Takhlijt. S'en suivra un combat féroce mené par les derniers guerriers. Les Français prirent le village et emmenèrent avec eux, toutes les personnes vivantes. Le maréchal Randon a atteint son objectif, celui d'établir fermement son pouvoir sur l'Algérie.

Le 11 juillet 1857, Lalla Fatma N'Soumer fut arrêtée par le général Yusuf. Lors de sa capture, elle est décrite comme étant une femme élégante, distinguée et digne par rapport aux autres femmes. Elle fut conduite au camp du maréchal Randon à Timesguida. Le maréchal Randon lui demandera, pourquoi ses hommes avaient tiré sur ses soldats, rompant ainsi la capitulation. Elle lui répondra, avec l'aide d'interprète :

"Dieu le voulait, ce n'est ni de votre faute ni de la mienne. Vos soldats sont sortis de leurs rang pour pénétrer dans mon village. Les miens ce sont défendus. Je suis maintenant votre captive. Je n'ai aucun reproche à vous faire, vous ne devriez pas me faire de reproche. C'était écrit de cette façon."

Elle sera déportée vers un camp militaire dans les Issers et emprisonnée ensuite à la Zaouia d'El Aissaouia à Tablat, puis elle sera placée en résidence surveillée, sous la garde de Tahar Ben Mahiedine.

Après cette victoire, le maréchal Mac Mahon sera comblé d'honneur et fait sénateur, puis il deviendra gouverneur général d'Algérie en 1864.

Affectée par la mort de son frère Tahar en 1861, et éprouvée par son incarcération, elle décèdera en 1863 à l'âge de 33 ans à Tablat.

Sa tombe demeure un lieu de pèlerinage pour les habitants de la région. En 1994, ses restes seront transféré dans le carré des martyres du cimetière d'El Alia à Alger.

Un film, sera réaliser par Belkacem Hadjadj, sur l'histoire de Lalla Fatma N'Soumer. Un méthanier de la marine marchande Algérienne a été baptisé en son nom. Des statues de Lalla Fatma sont exposé en Algérie, des écoles et des rues portent également son nom. La région d'Etterbeek en Belgique, a donné le nom de Lalla Fatma N'Soumer à une de ses rues pendant 9 mois.


Le symbole du courage, une icone de la résistance Algérienne. Une preuve de plus que le courage n'appartient pas qu'aux hommes. Le rêve de Lalla Fatma N'Soumer, était que les Français retourne de l'autre côté de la mer, et que l'Algérie soit libre. Dieu a exaucé sont rêve.





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